Interpellation
Une piétonnisation de certaines rues d'un côté, une absence d'aménagements cyclables de l'autre, le résultat va-t-il être l'obligation pour les personnes qui se déplacent à vélo, de rouler au pas ou de mettre pied à terre sur un tronçon de plus d'un km?
Le Collège Communal de la Ville de Liège vient de communiquer largement sur sa décision de valider la mise en piétonnier de nombreuses nouvelles zones transformées par la réalisation du tram, et en particulier la zone Opéra/St-Lambert jusqu’à la place des Déportés, soit un tronçon de près d'un km.
Au même moment, la rue Joffre va être rouverte à la circulation cette semaine et dans les deux cas, on peut confirmer qu’aucune infrastructure cyclable n’aura été réalisée sur cet axe (Opéra/Esplanade St Léonard) et que la Ville entérine donc à nouveau sa politique du mélange « piétons/cyclistes » sur des axes fort fréquentés, alors qu’il était possible de trouver des solutions alternatives.
Nous nous retrouvons dans une situation où les autorités publiques créent les conditions de conflits1 quotidiens entre usagers au lieu de pacifier le développement des modes actifs.
Des piétonniers oui mais du coup...
Concernant la mise en piétonner de certaines rues, le communiqué de la ville indique toutefois « que les cyclistes sont autorisés à y circuler pour autant qu’ils y adaptent leur conduite et leur vitesse ».
Si de prime abord nous sommes favorables à la piétonisation des centre-villes, il nous est difficile de pouvoir juger de l’impact de cette mesure telle que présentée. Le code de la Route prévoit bien l'accès de certains véhicules (tel que le vélo) dans ces zones à certaines conditions :
- « Les conducteurs qui sont admis à y circuler doivent le faire à l'allure du pas »
- « Dans ces zones, les cyclistes doivent descendre de leur bicyclette lorsque la densité de circulation des piétons rend difficile leur passage ».
Si ces conditions semblent être précises, il n'en n'est rien de la définition de la vitesse du pas. Est-ce que l'agent de police va prendre comme référence la vitesse du pas de sa grand-mère ou celle de son beau-frère qui a toujours l'air pressé? Qui définit la vitesse du pas? Comment sera mesuré la vitesse de la personne qui se déplace à vélo? Est-ce que cela se fera avec un appareil homologué ou selon l'expertise de l'agent? Les agents sont-ils formés à évaluer la vitesse du pas? Comme en athlétisme, la vitesse du vent dans le dos va-t-elle être prise en compte? :-) Plus sérieusement, quelles seront les lignes de conduite transmises à la Zone de Police de Liège ?
Se dirige-t-on vers une vision stricte (entre 3 et 5 km/h) ou une vision souple qui s'adaptera à la situation du moment (piétonnier vide ou très peu occupé) ? Pour l'instant, nous n'avons aucune information. Ce que nous savons en revanche, c'est qu'en appliquant un vision stricte, le trajet Opéra/Esplanade Saint-Léonard prendra près de 15 minutes à vélo.
Ces 3 dernières années, nous avons participé à de nombreuses réunions abordant ces tronçons, sans obtenir le moindre changement par rapport aux plans initiaux. Tout le monde connaît la situation complexe du partenariat avec Tram’Ardent, mais nous regrettons quand même que ni l’OTW, ni le SPW, ni la Ville, ni la Police et sa Tutelle présents autour de la table n’aient aidé à sortir de cette situation difficile. Nous ne jugerons pas sur la place publique des responsabilités des uns et des autres, ce n’est pas notre rôle.
Pour le Gracq Liège, le manque d'aménagement cyclables depuis l'Opéra jusqu'à l'Esplanade St-Léonard est, selon nous, le plus grand échec des aménagements cyclables du Tram qui pourtant se voulaient être accompagnés d’une amélioration de la mobilité cyclable. Dans ce cas, il s'agit selon nous d'une régression.
focus sur les nouvelles situations :
Rue Joffre
A présent que les travaux sont terminés, on voit clairement qu’une bande d’1m10 de pavage a été établie pour séparer la voirie du gabarit du Tram.
Photo : la rue Joffre, avec la bande perdue entre la chaussée et le gabarit du tram
Photo : vue de détail sur la zone tampon entre voirie et gabarit du tram
Cette largeur aurait pu être mise à profit pour élargir la voirie et prévoir une piste dans le sens Cadran/Sauvenière et mettre ainsi en sécurité les vélos.
A la place, les vélos devront soit emprunter la voirie sans piste jusqu’au milieu de la courbe du boulevard de la Sauvenière, soit croiser les voies du tram et rentrer dans le piétonnier le long des grands magasins pour rejoindre la place de la République Française… au milieu des rares piétons qui empruntent actuellement ce tronçon…
Dans l’autre sens de la rue Joffre, il y a une sorte de trottoir de 2m40 de large, longeant le gabarit du tram et surélevé par rapport au plan de celui des grands magasins. Il eut été très facile d’en faire une vraie piste. En grattant un peu, il était même possible d’atteindre une largeur suffisante pour faire une piste dans les 2 sens…
A la place, ce trottoir en élévation à statut de piétonnier va être un générateur de chutes et lors du marché de Noël, il y a fort à parier qu’il ne sera plus accessible, puisque réservé aux chalets comme cette année et donc il n’y aura aucun moyen pour les vélos de se rendre de l’Opéra à la place Saint-Lambert vu la densité de piétons sur le marché de Noël.
Rue de Bex et Place du Marché
A ce stade du chantier, on ne peut pas encore bien visualiser quelle sera la situation… ni donc imaginer si les tensions avec les piétons seront importantes.
En Féronstrée :
L’OTW (TEC) souhaite interdire le trafic des vélos dans la zone du gabarit du Tram pour des motifs de sécurité, ce que le Gracq comprend vu l’étroitesse de la rue, vélos et piétons seront donc en forte proximité.
Ici, l’alternative que nous proposons à la Ville depuis plusieurs années, faute d’une réelle prise en compte du flux de cyclistes en Feronstrée, est de prévoir un passage sécurisé par la rue des Mineurs et la rue Hors-Château où une bande de circulation devrait être transformée en piste cyclable entre la rue des Mineurs et la rue Velbruck, plus un meilleur aménagement du SUL entre la rue Velbruck et l’esplanade Saint-Léonard…, en ayant le courage de supprimer des places de parking pour dégager l’espace nécessaire.
Nous sommes bien conscients qu’il s’agit d’un allongement et d’un itinéraire “non naturel” mais c’est selon nous la moins mauvaise option pour garantir un flux de cyclistes à une vitesse raisonnable. Cette proposition émise à de nombreuses reprises n’a pas encore fait l’objet d’un retour des autorités.
Quelle solution en dehors de cet axe Opéra/Esplanade St Léonard ?
La Wallonie a sous-traité à la Ville de Liège le réaménagement des bords de Meuse, entre le rond point des Prémontrés et le rond point de la rue Cité, ce qui est dénommé « couloir rive gauche ». Ce couloir Rive gauche doit assurer un rôle important pour le transit vélo et décharger le centre-ville de ce flux. Les plans que nous avons pu consulter ont bien évolué dans ce sens, même si toutefois la différenciation des espaces piétons et vélos va encore pêcher de par l’utilisation de revêtements 100% béton gris/gris, qui même avec des marquages vélos, sont peu lisibles pour les piétons.
A nouveau, au Gracq Liège, nous remettons en cause le dogmatisme et nous demandons que ces pistes clairement distinctes soient visibilisées, par l’adoption de la couleur ocre pour les revêtements, pour le bien des personnes qui se déplacent à pied et à vélo .
L’argument de « continuité architecturale » avec le quai de Rome, le bd. Frère Orban et à présent le quai de Maestricht et le quai Saint-Léonard, 100% tout béton, est devenu inaudible : les piétons et les cyclistes liégeois méritent mieux que cette vision d’architecte des années ’70, orientée « vélo loisir ».
Nos conclusions
- La mise en piétonnier a le mérite de clarifier la situation actuelle, mais quelle sera l’interprétation du code de la Route par la Police communale en termes de vitesse pour les vélos ?
- La mixité vélos/piétons n’est envisageable que lorsque les flux sont faibles : dans le cas de figure de la rue Joffre et de la Place Saint-Lambert, ces conditions ne sont pas réunies.
- Il est encore possible de rectifier le tir rue Joffre, à tout le moins dans le sens Opéra/Saint-Lambert et les autorités doivent travailler à une alternative pour la rue Féronstrée.
- Le couloir Rive Gauche doit être réalisé avec un saut qualitatif en termes de visibilisation des espaces piétons / vélos et se démarquer des réalisations actuelles en bord de Meuse.
Si il est indéniable que les villes européennes, y compris Liège, connaissent actuellement un retour de la bicyclette dans leurs rues, cet accroissement de la pratique du vélo ne pourra se faire sans des aménagements adaptés qui ne se limitent pas au partage, entre modes actifs, de l’espace résiduel.
La Ville de Liège, via le PCM ou encore la charte internationale de la marche et la région avec l'adoption du principe STOP se sont engagées à proposer des aménagements adaptés aux modes actifs. Nous ne demandons pas autre chose que l'application, sur le terrain, de ces principes.
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(1) : En 2018, nous avions publié une carte blanche demandant une meilleure prise en compte des modes actifs suite aux conflits quotidiens qui étaient constatés sur des aménagements ne permettant pas d'absorber les flux et les vitesses différentes des piétons et des cyclistes
Ce que dit le code :
- Article 2.35. du code de la route.
Le terme "zone piétonne" désigne une ou plusieurs voies publiques dont l'accès est indiqué par le signal F103 et dont la sortie est indiquée par le signal F105.
- Article 22sexies.1.
L'accès aux zones piétonnes est réservé aux piétons. Toutefois: 1° peuvent accéder à ces zones:
a) [ ... ] supprimé (art. 8, AR 13-02-2007, MB 23-02-2007);
b) les véhicules de surveillance, de contrôle et d'entretien de cette zone et les véhicules affectés
au ramassage des immondices;
c) les véhicules prioritaires visés à l'article 37, lorsque la nature de leur mission le justifie;
d) les véhicules des services réguliers de transport en commun;
e) les conducteurs de véhicules dont le garage est situé à l'intérieur de ces zones et qui n'est accessible qu'en traversant ces zones;
f) en cas d'absolue nécessité, les véhicules appartenant à des entreprises commerciales établies dans ces zones et uniquement accessible qu'en les traversant, lorsque ces véhicules sont affectésà des livraisons et si ces livraisons constituent une activité principale de ces entreprises;
g) en cas d'absolue nécessité, les véhicules destinés à effectuer des travaux dans ces zones;
h) les trains miniatures touristiques, les véhicules attelés, les cycles-taxis;
i) les véhicules employés dans le cadre d'activités médicales ou de soins à domicile.
j) [ ... ] supprimé (art. 8, AR 13-02-2007, MB 23-02-2007).
Dans les cas visés sous e) à i), les bénéficiaires doivent apposer sur la face interne du pare-brise de leur véhicule, un laisser-passer délivré par le bourgmestre ou son délégué; pour les véhicules attelés et les cycles taxis, le conducteur doit détenir ce laissez-passer.
2° peuvent accéder à ces zones lorsque la signalisation routière le prévoit et selon les restrictions qui y figurent:
a) les véhicules qui doivent charger ou décharger dans lesdites zones;
b) les taxis qui ont une destination déterminée à l'intérieur de ces zones pour l'embarquement ou le débarquement de personnes;
c) les cyclistes.
- Article 22sexies.2.
Dans ces zones, les piétons peuvent utiliser toute la largeur de la voie publique. Les conducteurs qui sont admis à y circuler doivent le faire à l'allure du pas; ils doivent céder le passage aux piétons et au besoin s'arrêter. Ils ne peuvent mettre les piétons en danger ni les gêner. Dans ces zones, les cyclistes doivent descendre de leur bicyclette lorsque la densité de circulation des piétons rend difficile leur passage. Les jeux sont autorisés. Le stationnement est interdit dans ces zones.