Aménagements
Plusieurs candidat.e.s aux élections communales de Liège, s'ils sont généralement favorables au développement du vélo dans leur discours, ne semblent pas forcément d’accord pour mettre les moyens d’y parvenir.
Ainsi, à plusieurs reprises, on a pu entendre, lorsque des militant.e.s cyclistes les invitent à prendre exemple sur Paris, ou d’autres villes françaises dans leur politique d’aménagement cyclable, des candidat.e.s repoussant leur ambition derrière un « Liège n’est pas Paris ».
Comprendre : la morphologie des deux villes n’est pas similaire.
Et si Paris bénéficie de grands axes haussmanniens permettant d’avoir suffisamment de place pour y ajouter une infrastructure cyclable ; Liège souffrirait de l’étroitesse de ses rues, héritage d’une ville au passé millénaire.
Bref, comme on ne peut pas « pousser » les façades, il est donc très difficile d’aménager des pistes cyclables dans les rues de notre ville.
Ainsi, avant même de commencer une politique favorable au développement du vélo – qui on le sait passe en premier lieu par des infrastructures de qualité et sécurisées – on nous parle de toutes les difficultés, voire de l’impossibilité de mettre en place une réelle politique d’infrastructure cyclable sur la commune.
Passons les aspects techniques, administratifs et de compétences partagées entre la Région et la Ville (qui ne sont pas à négliger) : on nous dit simplement… qu’il n’y a pas assez de place !
Pourquoi c’est trompeur ?
Si Liège a préservé un (petit) cœur historique hérité du XVIe et XVIIe siècle, cela ne représente qu’une faible proportion du territoire de la commune de Liège.
Et le cas de Liège n’est pas exceptionnel, de grandes villes telles que Strasbourg, Bordeaux, Montpellier ou encore Rennes, ont préservé un hyper-centre fait de petites artères étroites où la circulation – sauf piétonne – n’y est pas aisée.
Ces villes ont tout de même réussi à développer, sur le reste de leurs limites administratives, des itinéraires cyclables structurants et séparés des flux piétons et automobiles.
Cela nous semble surtout être une stratégie assez simple pour se dédouaner des résultats actuels, mais aussi une manière de ne pas trop s’engager sur la prochaine législature.
Et cette approche occulte ainsi la volonté politique indispensable qui a permis à ces villes de se transformer et d’apaiser leurs rues et quartiers.
En dehors du simple fait de mener une politique cyclable, c’est une politique de mobilité ambitieuse et transversale compilant tous les moyens de déplacements alternatifs à la voiture individuelle.
Des opportunités énormes sur de grands boulevards
En posant le regard sur Liège et en sortant de son l’hyper-centre, on peut rapidement identifier des axes et chaussées généreuses en espace ; construits en grande partie dans la deuxième partie du XXe siècle, dans une logique d’accessibilité voiture vers le centre-ville de Liège.
L’héritage de cette ambition est encore là : une autoroute rejoignant Bruxelles et qui permet d’arriver jusqu’à la Place Saint-Lambert, les quais de la Dérivation à deux voies de sens unique, tout comme le boulevard d’Avroy et l’avenue Rogier, ou le boulevard de l’automobile sont encore pensés aujourd’hui comme des autoroutes urbaines.
A l’instar de l’élaboration des axes structurants cyclables sur les principaux axes routiers à Grenoble, l’héritage de ces principaux axes routiers peut devenir la base de notre réseau structurant, pour la ville et l’agglomération liégeoise.
Autoroute E25… Ah non le centre de Liège
Comparaison pratique : Paris n’est vraiment pas Liège ?
Ça nous titillait un peu, on l’a pris au pied de la lettre et on s’y est penché.
On a donc repris des axes majeurs de Paris, pour la circulation intra-muros et pour le vélo ; et on a comparé avec des largeurs de voirie (toujours de façade à façade) équivalente à Liège.
Pour retrouver une échelle de ville comparable, on choisit également des exemples avec des axes structurants à Grenoble.
Attention : cette liste nullement exhaustive, mais permet d’avoir un premier aperçu.
Rue Claude Bernard (18m) – Paris / Rue des Guillemins (18m)
La rue Claude Bernard à Paris, d’une largeur moyenne de 18m dispose de deux voies pour les voitures (en sens unique) et de pistes cyclables séparées du trafic de chaque côté de la chaussée. Le stationnement est préservé d’un seul côté.
C’est une largeur quasi équivalente à la rue des Guillemins à Liège (18m), où la séparation d’usage n’est pas très claire : on comprend qu’il y a l’équivalent de trois voies, mais rien ne détermine le placement des usagers sur la voie centrale.
Quelques rares marquages « BUS » indiquent l’usage a priori exclusif du bus, mais aucune signalétique ne le confirme. Ce « flou » incite le stationnement en double file quasi-systématique sur cette chaussée.
Compte tenu du fait qu’avec le démarrage du tram, il n’y aura presque plus de bus dans la rue des Guillemins, une piste cyclable marquée dans chaque sens de circulation pourrait être installée immédiatement.
Avenue Felix Viallet (19m) – Grenoble / Rue des Guillemins
L'avenue Félix Viallet est d’autant plus intéressante qu’elle joue le même rôle de jonction entre la gare et le centre-ville que la rue des Guillemins.
La rue dispose d’un couloir bus-vélo, d’un double sens pour les voitures et d’une piste cyclable marquée.
Rue des Eaux Claires (15m) – Grenoble / Rue Grétry (14m) et rue Louis Jamme (17m)
La rue des Eaux Claires comprend une voie à double sens ainsi que deux bandes cyclables de part et d’autre de la chaussée.
Le tout sur une largeur équivalente à la rue Grétry et la rue Louis Jamme.
Rue Grétry
Rue Louis Jamme
Rue Saint-Augustin (8m) - Paris / La rue Saint-Gilles (9m) trop étroite ?
La rue Saint-Gilles n’est actuellement ouverte en SUL (sens unique limité, à savoir autorisé pour les cyclistes en sens inverse de la circulation).
Il semblerait que sa largeur ne permettrait pas de pouvoir autoriser ce passage. Or, on voit que dans le rue Saint-Augustin à Paris, que celui-ci est autorisé, alors que nous sommes également dans une rue commerçante.
Néanmoins, au vu des caratéristiques de la rue Saint-Gilles, on pourrait d'avantage opter pour une zone de rencontre (limitation à 20km/h, limitation du trafic de transit dans la rue Saint-Gilles au seul bus) permettant d'ouvrir la rue à double-sens pour les cyclistes, tout en apaisant son trafic.
Conclusion
On voit bien qu’au-delà de l’espace disponible c’est surtout la difficulté à repenser l’espace existant pour le redistribuer plus équitablement et peut-être aussi de manière plus optimale : le placement des filets d’eau et des potelets et poteaux, le marquage destiné à indiquer la place de chaque usager, etc...
Si les rues semblent plus aérées ailleurs, ne serait-ce pas plus par un effet visuel - la vue et le passage étant obstrués par les potelets, les poteaux de signalisation, le stationnement sauvage - que par une réelle différence de largeur de voirie ?
Tout ceci ne doit néanmoins pas occulter que chaque ville est évidemment spécifique et particulière, et que l’aménagement d’infrastructure cyclable doit se mener dans une vision globale d’une politique vélo et de mobilité, comprenant entre autre plan de circulation, de stationnement et offre complémentaire entre les différents modes de transport.
Mais tout cela est possible… même à Liège !