Rue Maghin - suppression des pistes cyclables par la Ville

Interpellation

Rue Maghin - suppression des pistes cyclables par la Ville

Le GRACQ Liège et Urbagora réclament la suspension de la décision de supprimer les pistes cyclables rue Maghin le temps de mener une analyse de mobilité à l’échelle du quartier et la mise en place d’une réelle dynamique participative pour la mise en œuvre d’une solution concertée et aboutie.

N’ayant reçu aucune communication directe ou officielle, c’est sur les réseaux sociaux et dans la presse que s’est confirmée la rumeur selon laquelle le Bourgmestre a demandé la suppression des pistes cyclables créées rue Maghin pour redonner toute sa place à la circulation automobile.

Une décision qui va à l’encontre des objectifs de la ville d’améliorer les conditions des personnes se déplaçant à vélo.

C’est pourquoi nous demandons :

  1. La suspension pour quelques semaines de la décision de supprimer les pistes cyclables rue Maghin.
     
  2. Une étude de mobilité à l’échelle du quartier avec une attention particulière sur l’impact du trafic automobile en transit.
     
  3. La création d’un groupe de travail présidé par les autorités communales et réunissant des représentants des riverains et des usagers (Gracq, Tous à pied, TEC…) qui, sur base de l’étude de mobilité du quartier, proposera au collège communal un ou plusieurs scénarii prenant en compte les objectifs de la Ville et les besoins et riverains et usagers.
     
  4. En parallèle, nous demandons que la Ville de Liège mette en place une commission permanente de mobilité pour assurer le suivi des projets de mobilité et une concertation permanente avec l’ensemble des niveaux de pouvoirs, les riverains et usagers.
    A l’heure actuelle, ni la Task Force mobilité, ni la Commission Communale Consultative Vélo, qui sont davantage utilisées par les autorités comme des organes d’information, ne jouent ce rôle d’analyse et de suivi technique.

Les aménagements de la rue Maghin

Il y a plus d’un an, dans le cadre de la Task Force mobilité, la Ville de Liège annonçait la mise en place de marquages rue Maghin afin de mettre cette rue à sens unique et de créer deux pistes cyclables latérales.

L’objectif de cette mesure était de sécuriser les déplacements à vélo sur cet axe où la pression automobile est très forte et de créer une liaison entre la rue St Léonard et la passerelle Léon Tchinis, chaînon manquant entre corridors vélos à venir.

Avant la mise en place de ce marquage, le GRACQ avait pu consulter les plans et émettre quelques remarques mais vu le stade très avancé du projet, celles-ci ne n’ont pu concerner que des détails techniques très localisés comme une sécurisation des entrées et sorties de SUL (non obtenue) et des différents croisements (non obtenue également).

A l’époque déjà, nous avions regretté le manque de concertation avec la population et demandé une analyse de la mobilité à l’échelle du quartier pour que la sécurisation de la pratique du vélo sur cet axe et le développement de l’usage du vélo dans le quartier s’intègre dans un projet global.

Si nous avons apprécié à l’époque l’envie de la Ville de Liège d’agir rapidement, nous regrettions la méthode ne prenant en compte que des éléments techniques et légaux. Cette façon de faire débouche majoritairement sur la création d’aménagements ne contentant personne et créant le conflit entre usagers.

On en profite pour rappeler à la Ville de Liège, qui affiche régulièrement son souhait de développer l’usage du vélo à hauteur de 10 % à l’horizon 2030, que les principaux freins à l’essor du  déplacement à vélo sont la pression automobile et le manque d’infrastructures.

Dans ce cas-ci, la ville retire de l’infrastructure cyclable et n’agit en rien sur la pression automobile.

Pour ce qui est de l’installation d’un dispositif de rues cyclables proposé “en échange” de cette suppression de pistes cyclables, nous rappelons à Monsieur le Bourgmestre qu’il s’était engagé à procéder à une évaluation des rues cyclables aménagées à cette même période. Malgré nos demandes répétées, aucune évaluation n’a été réalisée à ce jour, aucune amélioration n’a été apportée et aucune action de sensibilisation ou de répression n’a été encore été mise en place par la Zone de Police pour faire respecter ce dispositif (Des progrès sont annoncés sur ce dernier point, suite à nos réunions Gracq, Police et Ville).

Une exaspération légitime des riverains

Au vu de la situation observée après la mise en place de ces marquages, une exaspération légitime des riverains s’est faite entendre tant la qualité de vi(ll)e de certains a été fortement impactée.

Ceux-ci, via le comité de quartier ont mené une mobilisation importante et ont tenté d’organiser une concertation avec la Ville et les usagers qui est restée sans réponse directe. On s’étonne encore qu’une Ville qui se rêve en métropole, laisse l’organisation de la participation citoyenne à l’initiative de ses habitants.

Au lieu de ça, le collège communal a mis en place une “consultation” à destinations des riverains uniquement via la distribution d’un toute-boîte au moment où leur exaspération était à son comble. Sans compter que la formulation des questions convergaient vers une solution directe pour mettre fin à ces pistes dites “provisoires”.  Aucune agence de pari au monde n’aurait pris le risque d'enregistrer des paris sur cette consultation tant les résultats semblaient joués d’avance ! 

Nous aurions aimé que les 36%1 d’usagers qui ont emprunté cette rue à vélo en septembre 2021 puissent donner leur avis !

C’est pourquoi nous demandons :

  • la suspension de la décision prise par le collège de supprimer les pistes cyclables.
     
  • la réalisation rapide d’une étude de mobilité à l’échelle du quartier pour identifier l’origine du trafic routier et les différentes solutions possibles.
     
  • La mise en place d’un groupe de travail rassemblant les autorités, des représentants des riverains et des usagers.

Nous espérons que le rétropédalage du collège communal dans ce dossier ne soit que passager et que le projet de relier des corridors vélo par la rue Maghin se concrétisera à court terme afin que la crédibilité de la politique cyclable de la Ville soit restaurée.

Au-delà de la rue MAghin
Un processus participatif en panne

Comme nous le constatons dans ce dossier mais aussi dans d’autres projets de gestion de voiries portés par la Ville mais aussi par la région (cfr les dossiers du tram, du Quai des Ardennes, de l’entrée de ville de Droixhe… ), les autorités peinent à inclure l'expertise des riverains et des usagers dans la gestion de leurs dossiers. La participation citoyenne demeure très difficile et se limite bien souvent à une participation “légale” et “obligatoire”.

Nous pensons qu’il est temps de changer de méthode !

Il est temps que les autorités envisagent la participation citoyenne et des usagers comme une opportunité et non comme une contrainte.

Il est aussi temps de donner aux agents communaux et régionaux les ressources nécessaires pour organiser un processus participatif leur permettant de mieux appréhender et de mieux intégrer les besoins des usagers. Il est d'ailleurs triste de constater la mauvaise image des agents communaux et régionaux au sein de la population suite à la mise en œuvre de projets non aboutis comme celui de la rue Maghin. Nous savons que ceux-ci se démènent chaque jour et font leur possible mais que par manque de temps et de moyens, la qualité et le suivi des projets est compliquée. C’est par exemple le cas pour les rues cyclables qui devaient faire l’objet d’une évaluation et d’un ajustement (sic), l’amélioration de la liaison Saucy/Fétinne pour laquelle la Ville et la Région s’étaient engagées à nous revenir en juin dernier (sic), la maintenance de base des pistes existantes, la Task Force mobilité qui ne s’est plus réunie depuis plus de 6 mois…

La COVID et les inondations de juillet n’ont certes pas aidé mais elles ne sont pas responsables de tout. Le manque de ressources tout comme le manque de coordination entre niveaux de pouvoirs, avec le TEC… posent problème.

Pourtant, des villes comme Gand ont fait le choix d’une participation ambitieuse  pour mener à bien leurs projets et s’assurer que ceux-ci répondaient bien à des besoins de mobilité tout en intégrant les besoins des riverains. C’est notamment le cas de la dynamique mise en place dans le cadre du projet “Fiets van Troje” qui démontre que la participation citoyenne est un élément clé d’une transition concertée et aboutie.

Afin d’améliorer le processus d’élaboration des projets de mobilité et de voiries, nous proposons aux autorités :

  • la création du commission permanente de mobilité rassemblant les mêmes acteurs que la Task Force Mobilité auxquels sont incorporés les comités de quartiers.

    A la différence de la Task Force mobilité où les discussions sont avant tout stratégiques, cette commission aurait un rôle plus opérationnel avec l'organisation de groupes de travail spécifiques selon les dossiers et un recours plus fréquent à des réunions de travail techniques et des visites de terrain comme cela a été mis en place dans le cadre du projet de corridors vélo ou encore Wallonie cyclable (Wacy).

    En plus de créer une réelle dynamique collective, cette méthode permettrait aux techniciens en charge des différents dossiers de mieux appréhender les besoins des usagers et des riverains dès la genèse du projet et jusqu’à sa concrétisation. Les frustrations seraient moindres et la qualité des projets améliorée.
     
  • la diffusion systématique2 de toutes les enquêtes publiques aux forces vives de la ville (comité de quartiers, associations d’usagers…).
     
  • une simplification de la consultation des dossiers par la mise à disposition à distance (sous certaines conditions si nécessaire) des dossiers.

La gestion de la mobilité est une matière délicate et sujette à beaucoup de frustration si elle n’est pas comprise par la population. Au GRACQ, nous pensons que plus autorités sollicitent l’expertise de terrain des riverains et des usagers dans un processus clair et organisé, plus elles se facilitent la tâche et proposeront des aménagements adaptés et acceptés.   

Nous restons bien entendus disponibles pour nourrir la réflexion de collège sur l’ensemble de ces points.

 

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Notes:
1) Plus de 7 000 déplacements à vélo ont été enregistrés du 1er au 30 septembre 2021 rue Maghin par le dispositif de comptage Telraam déployé par la Ville de Liège, ce qui représente 36% des déplacements tout mode confondus enregistrés pour cette période.

2) Cette demande a été proposée à plusieurs reprises au Collège Communal et au Service Urbanisme sans réponse positive pour l’instant.

Ressources :