Interpellation
Si le tram et le vélo sont, en général, des outils de mobilité très complémentaires, la lecture des plans et des visuels diffusés dernièrement laissent à penser que cette complémentarité n'est pas vraiment à l'ordre du jour à Liège. Espérons qu'il soit encore possible d'améliorer ce projet si important pour la mobilité !
Dessine-moi un tram !
Ce 31 janvier 2019 se tenait une cérémonie célébrant la signature du contrat du tram de Liège entre l’Opérateur de Transport de Wallonie (OTW) et le consortium Tram’Ardent.
Lors de ce moment qualifié d’historique pour la mobilité de la ville, des visuels ont été diffusés. Les images sont de bonnes factures et donnent envie de faire un bon dans le futur pour profiter dès à présent de ce tram et des aménagements connexes ! Toutefois, si vous êtes adepte de la petite reine, ces visuels donnent une impression de trop peu tant la place accordée au vélo est faible ou peu crédible pour une ville qui a pour ambition de développer l’usage du vélo à hauteur de 10% en 2030. Sur les réseaux sociaux de nombreux cyclistes ont critiqué le projet sur la base de ces visuels.
En 2013, dans le cadre de l’enquête publique du tram, le GRACQ Liège avait (déjà) analysé la totalité des plans et abouti à un dossier de 20 pages d’analyses et de recommandations. A ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse des autorités. Notre constat à l’époque était le même qu’aujourd’hui : si des aménagements cyclables sont bien prévus, ils sont insuffisants, déconnectés les uns des aux autres et souvent de faible qualité. Le cycliste est souvent mis dans une mixité problématique avec les piétons ou avec les automobiles.
Que ce soit en 2013 ou dernièrement, les aménagements présentés ne répondent pas à la norme qui devrait idéalement être utilisée à savoir, qu’ils puissent être utilisés par des enfants de 10 ans, pour se rendre à l’école ou à leurs activités et ce sans danger.
Pourtant la consultation « Réinventons Liège » a révélé que la création d’un réel réseau cyclable à Liège est la première demande des Liégeois. Et une enquête menée par l’ULiège en 2018 a montré que l’absence d’aménagement est le premier frein à la mise en selle chez les liégeois. Compte tenu de ces éléments et de l’ambition annoncée du collège communal de mener une politique cyclable ambitieuse, nous espérons sincérement qu’il est encore possible de donner à ce projet, plus d’ambitions en matière d’infrastructures cyclables en site propre.
Le poids du tram, le choc des photos
Boulevard d’Avroy
On sait que sur 700m du Boulevard D’Avroy, les cyclistes auront le privilège de profiter des (futures) anciennes voies de bus. Sous les platanes, ce sera GÉ-NIAL ! C’est un des grands points positifs du dossier.
Par contre pour le reste du Boulevard, rien n’est prévu ; rien qui ne ressemble à un réseau structurant, rien qui ait l’air confortable. C’est d’autant plus dommage, car il y a de la place ! Plus de 80 à 90 mètres de façade à façade à certains endroits. La mixité proposée entre cyclistes et piétons est la promesse assurée de conflits, de tensions, de difficultés de mobilité pour ces deux usagers qui déjà trop souvent à Liège connaissent une cohabitation contrainte difficile.
Est-ce un manque de vision ? De moyens ? De sensibilité aux besoins des cyclistes et piétons ?
Cela semble en tous cas mal parti ! Mélanger piétons et cyclistes n’est pas un choix judicieux lorsque on a toute la place pour faire autrement. Et au niveau du revêtement, l’alternance béton/pavé ne va pas réconcilier les cyclistes avec les architectes. Penser à l’esthétique est certes important. Penser au confort des utilisateurs et à l’aspect fonctionnel des aménagements l’est davantage, non ?
De plus, chaque année durant un mois et demi par an, cet espace cyclo-pédestre sera occupé par la foire. Peut-on espérer une alternative crédible durant cette période ? Si ce n’est pas le cas, on ne pourra définitivement pas parler d’un réseau structurant pour le vélo à cet endroit. Et c’est bien dommage.
Ce que nous aimerions voir :
Ce que nous proposons n’est peut-être pas LA solution. Il s’agit d’une esquisse qui représente ce dont nous avons besoin. Elle est donc sujette à discussion.
Car si on nous demande notre avis, en tant que cycliste, on aurait aimé voir une piste cyclable avec un revêtement adapté et continu de bout en bout, qu’elle soit bien visible et identifiée de tous et connectée au reste du réseau structurant.
Une piste cyclable, qui, si elle doit faire partie d’un réseau structurant, doit faire au moins 3m de large pour permettre de s’y croiser à une vitesse de 20km/h. Sans ça, ce sera difficile d’espérer développer le vélo à Liège sur cet axe qui relie la gare au Centre-ville.
Place St-Lambert
Une fois de plus, l’image fait rêver. Dommage qu’à nouveau aucun aménagement pour le vélo n’y soit prévu. Car oui, la place St-Lambert est un tronçon important, très fréquenté par les cyclistes et où la densité des piétons est également importante et sera accrue par l’arrivée du tram. Pour faciliter la vie des usagers, des aménagements permettant d’éviter les conflits quotidiens entre piétons, tram et cyclistes sont essentiels !
Ce que nous aimerions voir :
Comme pour le Boulevard d’Avroy, en tant que cycliste, nous avons besoin d’un espace dédié spécifiquement à la pratique du vélo, avec un revêtement adapté (pas de pavés s’il vous plait !!) et continu de bout en bout, qu’elle soit bien visible et identifiée de tous.
Gare des Guillemins
Ici encore, un immense espace ! Plus de 90 mètres de large et aucune piste cyclable pour les nombreux navetteurs qui combinent train/vélo.
Aucun lien entre la gare, les quais de Meuse et la Belle Liégeoise. Il est seulement proposé, de nouveau, cette mixité, soit vélos/piétons, soit vélos/voitures.
Ce que nous aimerions voir :
En tant que cycliste, nous avons besoin d’une piste cyclable avec un revêtement adapté de bout en bout, qu’elle soit bien visible et identifiée de tous et connectée à la Belle Liégeoise.
Une piste cyclable, si elle fait partie du réseau structurant, doit faire au moins 3m de large pour permettre de s’y croiser à une vitesse de 20km/h. Sans le respect de ces critères, cet aménagement sera certes beau mais trop peu utilisé et source de conflits entre usagers. Ce serait dommage.
Quai St-Léonard
Enfin un peu d’espace prévu pour les cyclistes ! Mais malheureusement avec les mêmes défauts que pour les aménagements des quais longeant le Boulevard Frère-Orban : du fait de sa position centrale, l’espace cyclable est promis à des conflits permanents avec les piétons. À croire que c’est fait exprès…
Ici aussi, aucun marquage cycliste au sol n’est prévu pour délimiter l’espace réservé à chacun. Niveau itinéraire structurant, on peut déjà le dire, ce n’est pas ce qui est attendu. Et cerise sur le gâteau, les architectes ont à nouveau voulu tester nos capacités à maitriser la conduite sur pavé par intermittence.
Vous en conviendrez. Ce projet est davantage une promenade qu’un aménagement structurant. La bonne nouvelle, c’est qu’il ne faut pas modifier beaucoup de chose pour que la situation s’améliore radicalement !
Ce que nous aimerions voir :
En tant que cycliste, nous avons besoin d’une piste cyclable avec un revêtement adapté de bout en bout, qu’elle soit bien visible et identifiée de tous.
Au niveau de son positionnement, notre graphiste aussi aurait dû faire l’effort de la placer à droite, ce qui permet de limiter les risques de conflits avec les piétons.
Place Général Leman
On découvre ici une « piste » cyclable de chaque côté de la place Général Leman (d’une centaine de mètres chacune environ). La qualité de cette infrastructure n’est malheureusement pas suffisante : il n’y a en effet aucune séparation physique avec les voitures.
La sécurité y sera donc très relative car en plus de cette promiscuité avec un trafic dense, les cyclistes devront faire face au stationnement sauvage. L’exemple du Boulevard de la Sauvenière nous le rappelle chaque jour. Que ce soit pour de petites courses ou des livraisons, cette piste cyclable, ne sera que rarement utilisable correctement si une séparation physique n’est pas mise en place. C’est dommage car la place est largement suffisante !
Mais le danger le plus important pour les cyclistes viendra au moment de quitter la place. Car oui, les pistes cyclables s’arrêtent net ! Comme dans la rue du Plan Incliné, il faut alors se réinsérer dans la circulation. Et le problème sera pire encore pour les cyclistes venant de la place des Franchises et qui suivraient leur bande à gauche en direction du pont de Fragnée avec des automobilistes qui iraient tout droit vers le Val-Benoit.
Ce que nous aimerions voir :
En tant que cycliste, nous avons besoin d’une piste cyclable séparée physiquement du trafic pour éviter le stationnement illicite mais aussi parce qu’à cet endroit, si les voitures ne roulent pas (toujours) à vive allure, la densité du trafic qui n’est pas très engageante pour un cycliste lambda. Ces fameux cyclistes débutants qu’il va falloir convaincre pour atteindre les 10% de part modale promise.
Nous aurions aussi aimé avoir une piste cyclable visible (on se répète mais il parait qu’au bout d’un moment ça fonctionne), une piste cyclable continue, sans rupture. Qui relie des points entre-eux et pas des aménagements qui s’arrêtent à la fin d’un carrefour.
Stationnement
En tant que cycliste, vous savez que le vol de vélo est une hantise et que l’on cherche par tous les moyens, d’attacher son vélo en toute sécurité. Dans la vidéo de présentation du tram, il est dit (à 4’ 45 ) « On y remarque (ndlr : place St-Lambert) comme à de nombreuses autres stations, des parkings pour les vélos ».
On a beau y regarder de près, on n’en voit pas. Sans doute que ce ne sont que des esquisses mais franchement, on aurait bien aimé les voir, ces stationnements. Ne fût-ce que pour savoir combien il y en aura, s’ils seront aussi solides qu’un rail de tram et permettant, tant qu’à faire, de mettre nos vélos à l’abri de la pluie.
Car oui, être autorisé à embarquer un vélo dans le tram quand on a un problème technique ou une défaillance physique peut être utile. A ce jour, à chaque fois que nous avons posé la question, il nous a été répondu que cela n’avait pas été envisagé.
Une fois de plus, nous espérons que ce besoin pourra recevoir une réponse positive, organisée et confortable afin que le tram soit réellement, un outil en faveur de l'intermodalité.
En conclusion : il n’est pas trop tard !
Si ce chantier est annoncé comme gigantesque et permettra de réaménager, à certains endroits, les rues de façades à façades, force est de constater qu’en réalité, les plans et les visuels proposés ne donnent guère d’espace dédié spécifiquement au vélo. Car si on fait le point à l’aide des plans disponibles, sur les 11,7 km du tracé, ne sont prévus que la création de :
- 900 m de promenade (Quai St-Léonard),
- marquage de 2 x 100 m de piste cyclable (place Générale Leman). Dans le même temps, 2 x 100 m de piste cyclable seront supprimés boulevard de la Sauvenière (entre la rue Lonhienne et celle des Urbanistes) ainsi qu’une traversée cycliste sur le boulevard d’Avroy,
- mise à disposition des 700 m de couloir bus du parc d’Avroy dédiés aux cyclistes mais avec un arrêt brusque au niveau de la rue Darchis et sans jonction (pour l’instant) avec les rues perpendiculaires au boulevard.
D’où cette question : pourquoi ne pas profiter de l’opportunité du tram pour développer de réelles infrastructures cyclables ?
Quand une ville souhaite, comme Liège, développer l’usage du vélo dans ses rues, elle doit mettre la priorité en premier lieu, sur les infrastructures cyclables. Dans un second temps, sur les infrastructures cyclables et dans un troisième temps, sur les infrastructures cyclables.
Or, force est de constater au travers des visuels et des plans proposés, que les infrastructures destinées aux cyclistes ne sont pas suffisantes, tant en terme de quantité, de continuité ou de qualité.
Aussi le GRACQ Liège en appelle à la politique de rupture annoncée par la Ville, qui doit se traduire par des aménagements à la hauteur des besoins des cyclistes. On ne comprendrait pas qu’un tel chantier, vu les enjeux, ne prennent mieux en compte les besoins élémentaires des cyclistes. On ne comprendrait pas non plus que les autorités communales se cachent derrière les porteurs de projets pour justifier ce manque d’aménagements.
Aussi le GRACQ en appelle à une opération de la dernière chance afin que ces travaux gigantesques ne soient pas (une fois de plus) une occasion manquée pour les cyclistes. Dans l’espoir cette fois d’être entendu, le GRACQ Liège appelle à une modification des plans du tram dans le sens d’une intégration d’itinéraires cyclables sécurisés, en site propre et continus sur l’ensemble de la zone d’intégration.
Le GRACQ Liège se tient disposition pour participer à cette opération.
À lire
► Y-a-t-il une place pour le vélo dans la Déclaration de Politique Communale?
Rejoignez-le GRACQ
Si vous êtes intéressé de nous rejoindre pour quelques heures ou plus, n’hésitez à pas à nous le faire savoir via '; // -->
Crédits photos/images : Bordeaux Métrople, OTW/Keskistram, Gracq Liège.