Interpellation
CARTE BLANCHE DU GRACQ LIEGE, INTER-ENVIRONNEMENT WALLONIE, URBAGORA et le CNCD-11.11.11 Province de Liège.
La flambée actuelle des prix de l’énergie annoncée pour durer impacte durement la population. Se déplacer en voiture devient un luxe qui impose des choix difficiles au sein de certaines familles. Si des mesures économiques sont indispensables, nous estimons qu’une solution pour lutter contre la précarité énergétique réside dans la création immédiate d’un réseau cyclable sûr et continu offrant une alternative économique pour les trajets de courtes et moyennes distances au sein de la métropole liégeoise.
Si la ville de Copenhague est reconnue pour être la Mecque du vélo utilitaire (près de 50% des trajets domicile/travail sont réalisés à vélo dans le centre de Copenhague[1]), ce n’est pas le fruit du hasard. Lors de la crise pétrolière de 1973, les autorités ont misé sur le vélo (mode de déplacement le plus simple, le plus rapide et le moins cher[2]) pour aider la population à faire face à la flambée des prix et à la pénurie des énergies fossiles [3].
Cinquante ans plus tard, ce mode de transport est toujours plébiscité par l’ensemble des couches sociales de la capitale danoise tant les avantages pour la qualité de vi(ll)e sont nombreux (gains de temps, diminution de la présence de particules fines, réduction des nuisances sonores, meilleure répartition de l’espace public, coûts faibles…).
Sachant qu’environ la moitié des trajets réalisés en voiture dans l’agglomération de Liège font moins de 5 km (ce qui équivaut à 20 minutes à vélo) et que 155 000 personnes résident en fond de vallée dans un rayon de 10 km du centre-ville[4], le potentiel cyclable en région liégeoise est énorme !
Et s'il est encore hors de portée de certaines bourses, le vélo à assistance électrique (VAE), en pleine croissance dans nos contrées, a permis de lisser le relief et d’augmenter sensiblement les distances parcourues. Le potentiel de développement est conséquent à l’heure où la mobilité et les enjeux climatiques sont au cœur des préoccupations d’une population qui est prête à « faire sa part » !
On n'a pas de pétrole
mais on pourrait avoir des corridors vélo !
Bien avant la météo, la distance ou le relief, ce sont le manque d’infrastructures adaptées et la pression automobile qui empêchent les personnes qui souhaitent se re-mettre au vélo de donner leur premier coup de pédale[5]. Il est donc essentiel de proposer des espaces sécurisés permettant à ceux qui le souhaitent ou qui y sont contraintes, de pouvoir envisager de se déplacer à vélo sans crainte pour se rendre sur leur campus, leur travail ou leurs activités ! Pour rappel, lors du dernier baromètre cyclable de Liège (2021), 8 répondants sur 10 affirmaient ne pas bénéficier d’aménagements leur permettant de rejoindre de façon sécurisée les communes voisines à vélo[6].
Conscientes de ce problème, les autorités ont, depuis de (nombreuses) années, le projet de réaliser des corridors vélo. Ce projet, porté par le SPW, entre dans sa phase finale puisque les itinéraires ont fait l’objet d’un consensus avec les communes concernées, les institutions et les associations. Il est dès lors possible, via des aménagements temporaires dans un premier temps, de matérialiser ces corridors en quelques semaines pour un coût raisonnable au regard du soutien que ceux-ci apporteront à la population.
La rapidité de mise en action ne doit néanmoins pas omettre les ambitions de ces aménagements qui doivent être de qualité, si l’on souhaite une utilisation de tous les usagers potentiels. Cela devra prendre en compte entre autres des largeurs suffisantes (pistes bidirectionnelles de 4,5m de large minimum, s’intégrant dans un maillage cohérent, et sécurisé).
Comme le démontre le travail mené en Région de Bruxelles-Capitale, proposer des aménagements temporaires avant de pérenniser ceux-ci permettent, en plus de soutenir rapidement la population dans son choix de changer de mode, de tester un dispositif qui pourra encore évoluer avant des travaux définitifs.
Tous ces aménagements devront indéniablement se faire en prenant de l’espace sur la voirie actuelle, et en respectant le principe STOP adopté dans le PUM de Liège [7] et le Plan de mobilité de la Région Wallonne (vision FAST 2030 [8]), notamment en réduisant l’espace dédié à la voiture.
Nous sommes convaincus, comme nous l’ont prouvé les mesures de mobilité mises en place lors de la fermeture du tunnel de Cointe l’été dernier, qu’en situation de crise, la Région et les communes sont capables de mettre en œuvre des actions fortes et concertées avec l’ensemble des acteurs de la mobilité (zone de police, TEC, SNCB).
Depuis son invention, le vélo est un des modes de transport les plus résilients qui soit. On le voit lors des crises énergétiques, des catastrophes naturelles voire en zone de guerre. C’est un mode de transport qui, avec la marche, permet de se faufiler là où la voiture n’est plus admise ou n’est plus abordable, et qui permet dès lors aux populations de continuer à réaliser leurs activités quotidiennes.
Nous appelons les autorités régionales et locales à venir en aide à la population en réalisant des corridors vélo, dans une version temporaire, dans les semaines à venir.
Et nous invitons les communes concernées à se réunir pour envisager, à l’échelle de la métropole, différentes mesures comme la reproduction de l’offre Vélocité, la création d’un chèque vélo pour les personnes en situation précaire permettant une remise en état d’un vélo ou la participation à des formations de conduite à vélo, la création de parkings surveillés à l’instar du parking proposé par l’ASBL Gestion Centre-ville à l'Îlot Saint-Michel.
Si les « coronapistes » n’ont pu voir le jour durant une pandémie mondiale – tout en s’interrogeant sur cet échec, en comparaison avec d’autres villes belges et européennes qui ont intégré cet enjeu -, nous espérons que la flambée du prix de l’énergie permettra cette fois et comme ce fut le cas en 1973 à Copenhague, de répondre au besoin de la population, des travailleurs, des étudiants de pouvoir se déplacer à moindre coût et de façon sécurisée. Que ce soit pour se rendre sur son lieu de travail, d’étude ou de loisir.
Découvrez le dossier rédigé par le GRACQ Liège à propos des corridors cyclable
Notes et références:
- Copenhagen Plans Greater Restrictions On Car Use As Cycling Surges To 49% Of Commuter Journeys
- Niels Torslov, responsable du service « circulation » à la mairie dans Le Monde du 9 avril 2014.
- Axe 4 du Plan en 10 points pour réduire la consommation de pétrole, 18 mars 2022 ; International Energy Agency
- Pourquoi le relief n'est plus un frein pour la pratique du vélo à Liège
- Le vélo à Liège au coeur d'une grande enquête
- Baromètre cyclable 2021 : une évolution trop timide
- Enjeu 11 du PUM de l’agglomération de Liège : MISE EN PLACE D’UNE POLITIQUE DE MOBILITÉ HIÉRARCHISÉE ET PACIFIÉE VALORISANT LA COMPLÉMENTARITÉ DES MODES
- Stratégie Régionale de Mobilité : la mise en oeuvre de la Vision FAST 2030